Cold Cases en Occitanie – Affaire n°4
Le crime de la Bastide de Besplas : de la hache à la guillotine
Lieu de l'affaire : Ariège
Enquête : Archives départementales de l’Ariège
Création : L’Œil du souffleur éditions et cie
« Français de toute la France,
Un crime, qui fait frémir
D’horreur, vient de s’accomplir.
Oyez et faites silence
Au récit triste et touchant
De ce grand drame sanglant. »
Sous la loupe de L’archiviste
Ainsi commence l’une des complaintes écrites sur un crime qui, le 26 février 1864, plonge les Ariégeois dans la terreur. Dans la nuit qui a précédé, Alexandre Bugad de Lassalle, riche hobereau, Jean Lacanal, son domestique et cocher, Pélagie Bicheyre, sa bonne et gouvernante et Raymonde Bergé, sa cuisinière sont massacrés à la hache. Il s’agit d’un crime crapuleux, M. de Lassale remplissait ses armoires et ses coffres de pièces d’or et de billets de banque.
La rumeur accuse très vite Jacques Latour, escroc, voleur, menteur, plusieurs fois condamné. L’horreur du crime nécessite un complice : François Audouy, dit l’Hercule. Autant le second est taciturne, autant le premier est un hâbleur et affabulateur. Par sa verve, il transforme la salle d’audience en salle de spectacle, il réplique, vitupère, injurie les témoins comme les jurés. Il fait peur et signe, de son cynisme et de son orgueil, son arrêt de mort. Le 12 septembre 1864, il est guillotiné et François Audouy est condamné aux travaux forcés. Aucun des deux n’a jamais avoué et un doute demeure encore sur l’identité réelle des assassins.
Ce procès fait partie des grandes affaires criminelles du XIXe siècle. Il a laissé un volumineux dossier d’enquête, des chansons, nombre d’articles de presse, locale, nationale et étrangère, un savoureux acte d’accusation, des dialogues en guise de comptes rendus d’assises, revisités par la prose élégante du poète Armand Praviel.
Contrairement aux idées reçues, les archives ne sont jamais au passé, c’est toujours la vie des gens d’hier aujourd’hui, dans l’instant où on la lit et où on l’entend. Et dans cette affaire, tout s’entend : la voix des témoins, la voix des magistrats, la voix d’Audouy et surtout celle de Latour.
C’est la comédienne Astrid Cathala qui, avec talent et enthousiasme, s’est prêtée au jeu de mettre ses multiples voix au service des textes d’époque, sur la musique, un tantinet « flippante », de Gil Angelo Gazzoli. Merci aussi à la bonne fée d’epOcc, Mélanie Marchand, qui a œuvré pour que j’entende ces voix.
Alors, oyez et faites silence !
Marigeorges Allabert, Archives départementales de l’Ariège
Le mot de l’aRTISTE
Lorsque Mélanie Marchand et Marigeorges Allabert ont tapé à la porte de l’Œil du souffleur avec le désir d’inventer quelque chose à partir d’une affaire sortie du ventre des Archives, nous avons ressenti à quel point ce serait fou et simple. Fou parce que les documents qui s’y rapportaient pesaient une bonne dizaine de kilos et simple parce que le travail que nous faisons depuis des années repose sur le texte, les humanités, le son, la musique et surtout l’enchevêtrement de plusieurs disciplines. Littératures, compositions, voix, théâtre, radiophonie font partie de nos univers et de nos ouvrages.
Je suis comédienne, metteuse en scène, chanteuse, éditrice, porteuse du projet Les voix de…, orchestratrice des Passagers du livre depuis 6 ans à l’Estive-scène nationale de Foix et de l’Ariège, artiste associée dans cette même structure, amoureuse des sons, des mots et des mondes. Gil Angelo Gazzoli, lui, est un musicien et un compositeur singulier, hors pair, aux productions nombreuses — trop souvent dans l’ombre mais qu’importe — créant chaque jour davantage et œuvrant au sein de l’Œil du souffleur depuis plusieurs années. Alors, ensemble, nous avons souhaité relever le défi de cette proposition.
Faire de cette grande affaire criminelle du XIXe siècle, un voyage sonore, radiophonique, d’une trentaine de minutes, qui s’écouterait d’une traite ou qui se goûterait au hasard. Non chronologique, elliptique, cet objet nous plongerait au cœur du crime de Baillard de façon sensible, à tâtons, comme dans un souvenir, un rêve ou un cauchemar, comme dans un collage… Il comporterait des zones d’ombre, des trous et des mystères. Après lectures acharnées, sélection, écriture, enregistrement, composition, habillage, montage… nous avons tenu la promesse d’un format de moins de 30 minutes ! À cette heure, nous espérons tenir celle de vous maintenir en haleine.
Pourvu que vous puissiez, par votre écoute, révéler l’image, inventer le tableau !
Astrid Cathala, l’Oeil du souffleur éditions et cie
Sources
- Dossier de procédure contre Jacques Latour et François Audouy, février-août 1864, Cour d’assises de l’Ariège (AD09, 3U132, 3U133, 3U134)
3U132 : Information contre Jacques Latour ; Information contre Marc Latour
3U133 : Information contre François Audouy ; Dépositions ; Procès-verbaux et dépositions. Visites domiciliaires et autres recherches : 5 au 17 mars 1864 et 18 au 24 mars 1864 ; Cartes, plans et autres documents complémentaires
3U134 : Pièces complémentaires de l’information ; Renseignements ; Pièces de forme ; Etat des pièces à conviction. Etat des frais ; Pièces de l’information à partir du 9 juillet 1864, date du réquisitoire de M. le Procureur général à la chambre des mises en accusation jusqu’au jour de l’arrêt de condamnation du 27 août 1864 ; Documents postérieurs au 27 août 1864, entrés aux Archives en 2012 - Comptes rendus d’audience, 18-27 août 1864, Foix, imp. Pomiès, [1864] (AD09, 8° 783) > consulter en ligne
- Journal de Toulouse : politique et littéraire, articles du 19 mars 1864 (arrestation), du 18 août 1864, du 19 août 1864, du 21 août 1864, du 22 août 1864, du 23 août 1864, du 24 août 1864, du 25 août 1864, du 26 août 1864 (procès), du 28 août 1864, du 29 août 1864, du 31 août 1864, du 4 septembre 1864, du 6 septembre 1864, du 12 septembre 1864 (verdict et exécution)
- L’Ariégeois, articles du 2 avril 1864 (arrestation), du 20 août 1864, du 27 août 1864 (procès), du 3 septembre 1864, du 10 septembre 1864, du 17 septembre 1864 (verdict et exécution)
- Henri G., Chant funèbre sur l’assassinat commis à Labastide-Besplas (Grand air de Fualdes), Toulouse, F. Connac, Delpon et Cie, 1864. > consulter en ligne
- Massat, Chant lugubre sur le drame de Labastide-Besplas (Air pris de Béranger : Châteaubriand, pourquoi fuir ta patrie), Toulouse, impr. Pinel, 1864. > consulter en ligne
- Complainte sur l’assassinat commis à La Bastide-Besplas (Ariège) […] (Air du Juif-Errant, « Est-il rien sur terre, etc. », Toulouse, impr. J.-M. Pinel, 1864. > consulter en ligne
- Grande complainte véridique et lamentable de l’assassinat de Labastide-Besplas (Air de la Madeleine ou de Fualdès), [Toulouse], impr. J. Dupin, 1864. > consulter en ligne
- Armand Praviel, Jacques Latour ou le dernier Vautrin, Paris, Perrin et Cie, 1929 (AD09, 8° 541) > consulter en ligne












crédits
Écriture, réalisation, voix : Astrid Cathala
Composition musicale et musicien : Gil Angelo Gazzoli
Prises de son et montage : Astrid Cathala et Gil Angelo Gazzoli
Production : L’Œil du souffleur éditions et cie, Occitanie Livre & Lecture, Archives Départementales de l’Ariège
